J’ai assuré les fonctions de secrétaire de rédaction pendant quelques temps. Ce fut d’ailleurs le seul CDD de mon existence journalistique ! Depuis, je voue un éminent respect à ces soldats des lettres, et comprends pourquoi ils peuvent se métamorphoser en Hulk et nous gueuler dessus. Secrétaire de rédaction, et pas « secrétaire de la rédaction », ce n’est pas la personne chargée de répondre au téléphone comme beaucoup d’individus le supposent ! Leur mission, corriger le texte des journalistes, le couper, le remplacer, le laver, le dynamiser, l’essorer, l’expurger des fautes et incorrections.
« Monsieur la maire a présider cet semaine la premiere rencontre interprofessionnelle entres les artisans du deuxième arrondissement et ceux du troisième. Les riverains mécontents oui. Sans vouloir leur donner raison. Rendez-vous semain prochain dan les deux ».
Je fus tellement sur le cul en lisant ce texte envoyé sur mon écran, que je le conservai en copié collé. Sauf que je doute que l’on me croie ! Dans le catalogue des articles à relifter par un secrétaire de rédaction, on peut recenser les textes truffés de fautes d’orthographe corrigeables. Le classique. Pourtant il existe aussi des bonus insoupçonnés façon DVD ! En l’occurrence, les textes façon hiéroglyphes, non seulement minés de fautes explosives anti-syntaxiques, mais surtout incompréhensibles. Comme si le journaliste avait cru que le travail du secrétaire de rédaction était de tout remettre dans l’ordre, style Rubik’s Cube, ou de résoudre une énigme Inca pour dégager un passage secret vers une autre dimension journalistique. Je corrigeai alors l’article, et restai de marbre, sur les fesses néanmoins, lorsque le journaliste me cria que je n’avais pas su refléter l’angle de son article…Je n’eus même pas l’envie de lui répondre qu'un angle nul, zéro degré, dur de le localiser.
Ou alors son article dissimulait peut-être un message codé, envoyé par la Résistance. Mais en scannant le calendrier, non, on ne pataugeait pas en 1943. Un coup de rétine à travers la grande baie vitrée surplombant mon ordinateur incandescent, aucune Résistante à bicyclette bleue, et encore moins de trouffion teuton en vue.