Dimanche 12 juillet 1789. Salle de rédaction du Poste de Paris. La rédaction carbure au vin rouge de l’aubergiste du coin. Pas encore de machine de café. Aucun sujet bouillant en vue.
- Pourquoi pas un sujet sur les penchants zoophiles de Marie-Antoinette avec ses brebis ? demande-je à Charlie. Il en perd sa perruque couleur urine.
- Non mais Juju ça va pas enfin ! Vous voulez finir à
- Oh mais j’savais pas que vous étiez chauve en fait sous votre perruque !
- Bon Juju j’ai reçu une dépêche là, toute fraiche, elle a mis trois heures à venir. Y’a un énergumène qui a lancé une petite manif. Dans les jardins du Palais-Royal….
En décodage journalistique, c’est à moi de filer là bas. Je range ma plume, interromps mon article sur les serrures du Roi et bondit dans le premier fiacre venu.
- Vous avez une fiche ? C’est pour les notes de frais… demande-je au cochet une fois arrivé.
- Ouais ouais voilà !
Le fiacre s’éloigne. J’évite de me prendre un seau d’excréments balancé par une ménagère du troisième étage d’un immeuble. Je manque de glisser sur les pavés humides. Arrivé sur place, je me faufile à travers la petite foule et aperçois un homme aux longs cheveux noirs, avec une espèce de grand noeud papillon blanc qui vocifère, debout sur une table. Je chuchote à
- C’est qui ce taré ?
- J’sais pas, Camille Desmoulins j’crois.
Je note sur mon papyrus avec ma plume d’oie. L’homme bégaie, et crie comme un Lofteur face à un livre de Schopenhauer.
- Necker a a a a été viré !!! Louis Louis Louis Louis XVI a viré le le le le le le ministre des fifififififinances !! C’est pour se garder l’argent pour lui oui ! Pour s’acheter des des des des des des nounounounouvelles serrures ! Ou ou ou ou ou des brebis tunées à Marie-Antoinette ! C’est une atteinte au peuple !!
Je note, je note…
- Vous allez publier ça ? me demande un aristocrate à lunettes.
- Oh oui mais je vais faire court, une brève quoi, le bégaiement j’vais le couper.
Camille Desmoulins commence vraiment à avoir les nerfs et à chauffer de la cocarde. La table va craquer.
- Putain il va se casser la gueule ! me dis-je personnellement à moi-même intérieurement dans ma tête.
- Parisiens ! Promeneurs ! Prenez les armes contre le gougougougougouvernement du roi !!!
Je reste bouche bée. Le roi je l’ai déjà rencontré pour plusieurs piges, il est sympathique. Bon il s’occupe pas trop de son royaume, mais sympa.
Le soir après un gros bordel aux Tuileries, je rentre à la rédaction. Je rédige ma brève à la lumière des bougies. J’intitule l’article « Desmoulins 1, Invalides 0 » puis le change en « Desmoulins a mis la fièvre ! » avant de retenir un « Du Rififi aux Tuileries ! ». Je tends le papier à Charlie.
- Charlie, j’sais pas, mais ça annonce peut-être un truc plus important, genre une révolution ? Y’avait du sang, y’avait de l’action ! Ca va péter j’vous le dis moi. Et ca fera un putain d’article, même dans dix ans on en reparlera encore !
- Une quoi ? Au fait n’oublie pas le 14 juillet, après-demain, ton reportage sur les conditions sanitaires à
- Mouais…fais-je en quittant on bureau et en disparaissant dans la pénombre de l’imprimerie. Camille Desmoulins était journaliste.
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